Alignement de "6" dans le parc fermé, la veille du départ :
Le parc fermé de nuit :
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Il est n'est pas trop tard pour narrer ce Tour de Corse Historique 2014 et la découverte de la Jaguar MK2 en course (tant pis pour le "hors sujet", on y parle -aussi mais à peine- de 914)
Cette année, ce sont finalement 9 équipages du
MBHR qui font le déplacement en Corse, avec 3 Porsche 911 dont 1 en ouvreur, 1 Alpine A110 1800, 1 Lotus Elite, 1 Ferrari GTB, 1 BMW 323i et la Jaguar MK2. Toutes ces autos sont accompagnées par nos indispensables assistances, le plus souvent venues d'Annecy.
La troupe est nombreuse et nous nous retrouvons de temps à autre, en fin de journée ou au départ des spéciales. Nous suivons mutuellement nos résultats en direct sur le site du Tour de Corse et c'est ainsi que nous pouvons vivre de l'arrière la sublime bagarre que ce livrent Frank/Martine, Yvan et Luc avant l'abandon de ce dernier sur casse de boite de vitesses.
Aux arrières-postes, Fafou/Vincent et Donald et moi sommes les rois incontestés des périodes E et F puis que seuls dans nos catégories respectives. Il nous suffit d'arriver, ce qui n'est pas si facile à réussir, pour l'emporter.
Comme nos temps sont finalement assez proches, nous progressons ensemble dans le classement au fur et à mesure des casses et des sorties de routes. Les 2 antiques anglaises tiennent vaillamment la distance, avec quelques faiblesses mais pas de vrais problèmes.
Nous partons avec une auto à peine finie, mais réalisée par Donald avec une application toute particulière. La qualité de son travail et le soin apporté à une préparation sans concession sont à l'origine de l'extraordinaire fiabilité de la voiture, qui n'a connu qu'une rupture de support de barre stabilisatrice le matin du troisième jour. Le soutien de l'assistance de Lolo nous a permis de ressouder et renforcer tout cela définitivement lors de l'assistance du soir à Porto.
Ce sont les premières vérifications techniques pour la MK2, son premier rallye avec son PTH suisse tout frais. Evidemment, les vérificateurs font du zèle, repérant immédiatement le radiateur en aluminium, pas vraiment conforme mais si efficace. Le moteur de la MK2, c'est une machinerie de 3L8 massive qui dégage une chaleur d'enfer dans un tout petit compartiment. L'isolation thermique a été poussée au mieux pour éviter que l'habitacle ne se transforme en fournaise. Bref, il faut refroidir et l'alu le fait mieux que l'acier ou le laiton, métaux homologués. Les vérificateurs relèvent également l'absence de signature sur la fiche d'homologation de l'arceau, mais ne voient pas le frein à main hydraulique pourtant en évidence ! Allez comprendre…
Le mardi, la première étape est un prologue de 2 ES autour de Porto-Vecchio, une de 7km et l'autre de 22km.
Je connais parfaitement la première, car je l'ai reconnue avec application en juillet, filmée, et maintes fois visualisée. C'était une façon de me rassurer au moment de prendre le premier départ.
La MK2 est une auto particulière que je tiens à découvrir sur asphalte en montant de Porto-Vecchio jusqu'au départ à proximité du Lac de l'Ospedale, dans l'Alta Rocca.
La voiture chauffe fort dans la montée : c'est prévu et le ventilateur électrique nous accompagnera durant tout le rallye. De cette façon, la température a toujours été contenue entre 80° et 100°.
Après quelques déclenchements de virages et quelques freinages, nous arrivons au départ, au milieu d'un troupeau d'Alfa. Il y en a plusieurs devant et derrière, c'est l'ordre des numéros qui veut ça le premier jour. Demain nous serons reclassés comme chacun des jours suivants en fonction de notre position.
La 914/6 des frères Barthe, la devenue fameuse Porsche Abarth, prend le départ, puis le coupé Bertone de nos amis grenoblois Vincent et Caro.
Premier départ sur une route d'abord large et belle. Bientôt, nous arrivons au premier village pour un changement de direction plongeant en 2 temps derrière un ralentisseur. J'ai repéré le coin et ça passe sans encombre. D'autres autos voleront à ce même endroit. Ensuite la route devient étroite et bosselée en descente et je sens l'arrière de la Jag qui sautille et tressaute. Pour ajouter au tableau, la pédale de frein se fait soudain molle et là, je n'ai plus confiance. Je roule sur un faux rythme, sondant avant chaque freinage la pédale et guettant impatiemment l'arrivée qui vient vite car l'ES est courte.
Je sais que la suivante sera exigeante. Depuis Tirolo, une longue traversée cahotique jusqu'à Orone, le passage du tunnel au Col sur une belle route puis une très longue descente rapide, toute en enchainements en direction de Porto-Vecchio.
Régulièrement, dans la descente, la pédale de frein s'amollit, puis redevient ferme sur quelques km. C'est curieux. Nous purgerons tout le système de freinage à l'assistance mais nous comprendrons plus tard que c'était inutile.
Donald prend le volant le lendemain. C'est son tour et c'est aussi la première fois qu'il pilote en course. Il maîtrise parfaitement le pilotage d'une Jaguar, mais n'a pas l'habitude de rouler aux notes. Il mettra plusieurs spéciales à acquérir les automatismes. La note doit aller directement de l'oreille aux mains et aux pieds, sans passer par le cerveau, qui s'occupe du regard et de la trajectoire. C'est un exercice mental particulier qui demande de l'entrainement. La première ES est très rapide dans la descente du Col de Bavella et Donald n'aime pas les descentes : ce n'est pas son truc. Pour l'inquiéter davantage, une longue interruption de course sur sortie de route précède notre départ. La descente est rapide mais finalement sans piège. Donald comprend très vite que les freins perdent de temps à autre une goutte de liquide sous l'effet de la chaleur et qu'il faut laisser aller la pédale au fond sans être surpris. Elle redevient ferme pour les 2-3 km qui suivent avant de faiblir à nouveau. En effet, une fois ce principe admis, nous n'aurons jamais de problème de freinage, que ce soit en puissance ou en endurance. Par contre, en fin d'ES, une généreuse fumée se dégage du train arrière. De l'huile de pont coule sur les disques surchauffés. C'est impressionnant et les commissaires nous exhortent à quitter le point STOP avant que le feu ne prenne (il n'y a en fait pas de risque). Nous remontons au départ de l'ES4, qui part en descente étroite et bosselée d'un village perché jusqu'à un pont puis une épingle en direction de Ghisoni. Sur le bosselé, je vois un Donald enjoué, ravi du comportement de l'auto qui saute et dérive mais sans jamais perdre l'adhérence. Il comprend qu'il va falloir chercher loin les limites de la tenue de route et cette perspective l'amuse beaucoup.
Avec décontraction, puisqu'il a déjà évacué la question du freinage, il engage des passages toujours plus enthousiastes, mais la berline s'accroche et en redemande. Donald apprécie par-dessus tout les traversées de villages, parce que c'est souvent étroit, sinueux, sale et avec plein de spectateurs qu'il rassasie.
Pour sa première journée de course, plus ça va et plus ça va vite. Il commence à adorer cette voiture et son pilotage.
Seules les descentes restent un sujet d'appréhension, d'autant que nous devons dévaler le Col de Sorba, là même où la 914 avait heurté une bordure en 2013, nécessitant de gros travaux de carrosserie dans l'hiver.
Il y a aussi la très belle descente du Col de Scalella vers Bastelica, avec des virages très piégeux. Je l'y ralentit délibérément en annonçant des notes un poil trop resserrées.
L'assistance du soir à Porticcio est une formalité. Nous lavons les jantes arrières qui sont bien huileuses. Il n'y a rien à faire car nous n'avons pas les joints nécessaires et les fuites de trompettes perdureront jusqu'au 5ème jour avec leurs vapeurs d'huile.
Nous filons nous baigner dans une eau délicieuse. La plage est juste de l'autre côté de la route.
Jeudi matin, je me réjouis de prendre le volant d'une auto dont j'ai eu la démonstration qu'elle freine bien et qu'elle reste volontiers sur la route. La première ES du matin est une révélation : je découvre pour la première fois cette MK2 en situation de course. L'ES suivante est bien aussi, jusqu'au moment où le train avant fait des bruits inquiétants à gauche. Nous ne savons pas si nous sommes en train de perdre une roue ou si c'est bénin. Dans le doute, j'avance au ralenti pour sortir de la spéciale. Ca nous parait plus efficace que de nous arrêter. C'est une bonne décision, puisque nous constatons ensuite la rupture du support de barre stabilisatrice à gauche, qui compromet la tenue de route mais n'empêche pas d'avancer.
L'assistance retire la pièce cassée et nous continuons jusqu'au soir, un peu ralentis tout de même car l'avant, au lieu de tenir dans le serré, se vautre en sous-virage. Ma journée de découverte est écourtée, mais l'arrivée à Porto par les calanques de Piana, au soleil couchant, nous fait oublier tout souci.
Lolo Ferrari (si si, c'est son nom, il se prénomme Laurent) nous met très gentiment son poste à souder à disposition. Notre assistance consolide les supports droit et gauche avec des pièces de ferraille façonnées dans la journée. Ce sera notre dernière contrariété mécanique.
Vendredi matin, bêtement gazé par une auto à l'alimentation trop riche, qui avait du mal à démarrer et dont l'échappement nous arrivait dessus, Donald ne se sent pas bien. Il est tout près de me laisser le volant. Il part finalement à l'assaut du Col de Vergio tout en n'étant pas dans son assiette : une spéciale à oublier. Nous adorons la descente du Col de Vergio pour y avoir arsouillé ensemble à l'occasion de l'Hivernale Corse, parfois dans la neige. La beauté sauvage de la Scala di Santa Regina parcourue en liaison requinque Donald.
La seconde ES du jour nous est inconnue, avec un final de plus en plus gras et piégeux. De nombreux concurrents y laissent des morceaux de spoilers et de pare-chocs. Donald choisit la version escalade. En sortie d'épingle sur un pont étroit et particulièrement glissant, la Jag glisse jusqu'au rocher, heureusement en pente assez progressive à cet endroit. Nous voyons le capot s'incliner fortement, puis sentons la voiture se remettre sur la route. Je remarque bien que ça coupe l'entrain de mon pilote, mais il s'en remet assez vite.
L'après-midi est très belle, avec en particulier l'ES de Notre-Dame de la Serra en bordure de mer, un monument du Tour sur près de 30 km. Sur ces spéciales, nous prenons vraiment le bon rythme et entamons à ce moment notre remontée dans le classement, avant d'arriver à l'Île Rousse.
Petite alerte à l'Ile Rousse où nous perdons la marche arrière et l'overdrive en entrant sur le parc fermé. C'est juste une languette en plastique qui a été déplacée lors de resserrages la veille à l'assistance. Nous faisons une courte halte en quittant l'île Rousse le matin dans la ville et les choses rentrent dans l'ordre.
Je suis à nouveau au volant pour la dernière étape de la course. Il faut à la fois avancer pour ne rien perdre au classement tout en gardant l'arrivée pour objectif. J'aime cette pression qu'apporte la proximité de l'arrivée jusqu'à laquelle tout peut encore se passer, les équipages restant vulnérables jusqu'au dernier mètre d'ES. L'Escort en tête du rallye en fera les frais sur sortie de route dans l'ES17, tandis que l'ES18, pourtant courte, sera l'occasion d'une violente sortie de route pour la seule Simca Rallye 2 du plateau.
Dans l'ES15, nous passons l'A110 de Pierre et Marie au ralenti, jante cassée.
Nous connaissons une vraie chaleur en entrant dans Linguizetta. Il y a 2 coussins lyonnais sur lesquels la MK2 décolle pleins gaz. C'est un réflexe acquis avec Donald depuis notre premier Tour de Corse en Cox : la meilleure façon de passer ces obstacles artificiels est à fond ! Ce que j'ignore, c'est que l'atterrissage est très gras, et la Jag file droit en direction de la borne à incendie plantée au pied des escaliers de l'église, en haut desquels se massent de nombreux spectateurs. Ca finit par tourner en épingle in extremis au ras des marches !
L'ES18 est courte en direction de Conca, et nous choisissons d'y aller calmement, d'autant que des spectateurs inconscients sont postés tout au long du tracé, y compris dans les endroits les plus exposés. A l'extérieur des courbes, on voit au ras du sol dépasser des têtes protégées par de simples appareils photo.
Nous revenons enfin sur le Port de Porto-Vecchio, au parc fermé, avant de monter sur le podium par vagues de 10. Juste devant nous, il y a l'Alpine de Pierre et Marie, et il nous faut quitter les baquets pour la victoire de période F. Il fallait regagner l'arrivée pour la mériter, et nous sommes également devant les vainqueurs des périodes G1 et H2, pourtant plus récentes. Pour son premier rallye, malgré l'absence de mise au point, la Jag tient son rang.
Elle nous a surtout montré son tempérament merveilleusement attachant. Limousine mais volontaire, lourde mais appréciant la bousculade, rustique mais saine, elle a de vraies dispositions de compétitrice. Au Tour de Corse, elle manquait de mise au point, le calage des arbres à cames n'ayant pas été fait. Du coup, elle dépassait difficilement 4500rpm, contre 6000 prévus, et la puissance s'en ressentait. Ses relances mollassonnes en sorties d'épingles, avec de gros besoins d'anticipation, nous laissent penser qu'il lui manque encore 60 à 80 chevaux. Quelques réglages fins de la distribution vont permettre de les obtenir sans difficulté.
Enfin, un peu comme avec la Cox, cette voiture est si atypique qu'elle attire toutes les sympathies et la curiosité, voire une certaine admiration, de la part des spectateurs. La personnalité de la MK2 est rare et précieuse. Elle nous a conquis et le trio que nous constituons désormais avec elle commence à se projeter vers la saison 2015, avec plein de progrès en perspective.
Dans cette aventure de passion, il faut voir l'aboutissement des compétences de Donald, magicien de cette mécanique si bien née il y a 50 ans, complétées par mes propres aptitudes à croire inoxydablement aux projets les plus improbables.
A ce jour, la voiture est remise en ordre, non sans avoir arrosé avec l'ensemble du Team
MBHR nos si futiles donc si utiles exploits au Tour de Corse Historique 2014 !